En quittant Manihuales, il y a deux options pour rallier Coyhaique, la capitale de la région d’Aysen et plus grande ville rencontrée sur la Carretera : une route goudronnée passant par Puerto Aysen (30 000 habitants, grand port de la région) ou une piste. Nous choisissons la seconde, sans regret, on se croirait dans les pâturages alpins au printemps. Nous faisons notre dernière escale avant Coyhaique dans le village de Villa Ortega. Pas de camping officiel ni de panneau d’information ici mais il est possible de planter sa tente derrière l’épicerie du village, nous n’avons rien deviné : c’est une nouvelle fois l’application I-overlander qui nous l'indique.


A Coyhaique et pour la première fois du séjour, nous trouverons notre logement grâce à Warmshower. Il s’agit d’un site dont le principe est simple : offrir à des cyclotouristes sa douche chaude et un petit coin de son jardin pour planter une tente. Notre hôte est Marcelo, il est l’illustration parfaite du titre de l’article : la « Buena Onda ». Ceci se dit d’une personne sympathique (littéralement « les bonnes ondes »). Nous recevons un accueil extraordinaire de sa part : il nous offre sa chambre, nous informe que nous pouvons séjourner autant de nuits que de besoin, nous emmène dans un bon resto de la ville avec des amis chilien et danois et dans une cerveceria (fabrique de bière) fraîchement ouverte et tenue par un autre de ses nombreux amis ! Le lendemain, nous explorons la réserve de Coyhaique qui renseignement pris auprès de l’office du tourisme comporte une boucle à faire en vélo. La route d’accès au parc comporte des pentes de plus de 15%, heureusement nous transportons uniquement notre pique-nique. La boucle en vélo n’est pas des plus faciles, route avec ripio en mauvais état, pentes raides à descendre avec prudence, on s'en serait bien passé ! Le soir, nous proposons à Marcelo de préparer le dîner : au menu, crêpes sucrées et salées avec cidre argentin (le cidre français mérite sa réputation…). Nous passons un excellent moment en compagnie de Marcelo et Tomas, un de ses amis chiliens et nous améliorons notre connaissance sur la culture du pays !


Après Coyhaique, la Carretera Austral quitte rapidement les pâturages pour s’élever en direction du massif du Cerro Castillo. Le col monte de façon régulière jusqu’à l’entrée dans le parc du même nom du coté de la Laguna Chiguay, sous une certaine chaleur : cela fait plus d’une semaine qui nos avant-bras n’avaient pas vu le soleil et les taons de la région en profitent bien ! Nous dormons auprès du rio Blanco en camping sauvage avec l’espoir d’apercevoir des huemueles (le cerf local qui se fait de plus en plus rare), en vain. Le lendemain, le vent nous ne nous est plus favorable, les derniers mètres avant le Portzuelo Ibanez (col à 1100 m d’altitude) sont difficiles, mais la descente en lacets de la Cuesta del Diablo nous permet d’apprécier la vue sur la vallée du Cerro Castillo.

La montagne splendide lorsque les nuages ne la masquent pas, évoque un château fort, avec ses pics acérés et ses aiguilles. A mi-pente s’alanguit un glacier (dixit le Routard), l'occasion de faire une randonnée, jusqu’à la laguna Castillo au pied du Cerro. Malheureusement, les nuages son bien présents et le pic ne veut pas se montrer, mais nous l’apercevrons le lendemain depuis notre camping. Le chemin traverse une forêt, puis s’élève dans un pierrier bien raide, avant d’atteindre le mirador. Nous pensions y déjeuner, mais le vent est très fort et nous redescendons accompagnés de deux chiliens Cristian et John véritables trailers, qui ralentissent leur rythme pour pouvoir discuter avec nous pendant toute la descente. Cristian a fini 32ème du marathon de Paris il y a quelques années ! Ils habitent la région depuis quelques années, à la recherche d’un meilleur niveau de vie (en Patagonie, la vie est plus chère que dans le reste du pays, mais les niveaux de salaire méritent largement le déménagement). L’un est prof de sport et l’autre est mécanicien. Une nouvelle fois, la « Buena Onda » évoquée ci-dessus se retrouve avec nos deux compères. En bas de la descente, nous trinquons ensemble avec l'une des nombreuses bières locales.

Pendant notre séjour à Villa Cerro Castillo, nous assistons à une feria locale ou sorte de rodéo : deux cavaliers montant leurs bourrins, coursent de chaque côté une vachette ; le but est de lui faire faire plusieurs allers-retours dans le manège pendant quelques minutes. Ici, pas de mise à mort, mais la promesse d’une meilleure viande, c’est ce que nous ont dit les locaux !

La veille de Noël, nous continuons notre route en espérant trouver un spot de camping sauvage entre Villa Cerro Castillo et Puerto Rio Tranquilo, ces deux villes étant distantes de 120 km, mais c’est sans compter sur le vent qui souffle très fort, bien en face de nous. Au bout de 12 km, un camping se trouve au bord de la route, nous sommes en avance sur le parcours que nous avons prévu et décidons de passer la nuit de Noël ici. Nous réveillonnons seuls dans le camping, avec en entrée pain toasté fait par la propriétaire du camping avec charcuterie locale (vraiment ?), accompagnés d’arachides, puis tagliatelles aux tomates et jambon, parsemées de fromage pour Anaïs, et enfin dessert lacté parfumé à la vanille ! Nous nous rattraperons à notre retour…

Nous laissons derrière nous les dernières pistes asphaltées du séjour, passons par le bosque muerto (bois mort) dont l’origine est l’éruption d’un volcan voisin. En chemin, nous trouvons un spot de camping sauvage le long du Rio Murta, depuis lequel nous admirons un magnifique coucher de soleil. L’étape du lendemain nous mène à Puerto Rio Tranquilo, les 20 derniers kilomètres sont en balcon au-dessus des eaux bleues du lac General Carrera. Il s’agit d’un lac binational « partagé » avec l’Argentine, qui chez eux est appelé le lago Buenos Aires (nous n’avons pas ce problème avec nos voisins suisses) et constitue le plus gros plan d’eau Chilien et le deuxième d’Amérique du Sud (après le lac Titicaca). A peine arrivés, nous partons en excursion en bateau vers l’attraction locale : la Capilla de Marmol (les chapelles de marbre). Il s'agit de falaises donnant sur le lac qui avec l'aide du temps et du vent se sont transformées en cavernes aux poteaux très élancés. Le retour vagues de face est sportif et sollicite une zone de nos postérieurs jusqu'à présent épargnée par nos selles de vélos !

En partant vers le centre de la ville depuis le camping, Anaïs remarque un porte feuille sur la route, avec une carte bancaire irlandaise. Il y a deux campings au bout de notre rue, le nôtre mais nous n'avons pas noté la présence de vacanciers irlandais et un autre, dans lequel nous entrons. Bingo, il y a bien un combi irlandais occupé par le propriétaire du porte-feuille ! Ce dernier avec son frère et sa femme, nous remercient chaleureusement en nous offrant des bières. Ils voyagent dans leur combi 1ère génération (pour les connaisseurs), âgé de plus de 40 ans et en attente d'un nouveau pare-brise : celui-ci s'est fissuré à cause d'une pierre sur la Carretera Austral ! Un nouveau leur sera envoyé depuis Puerto Montt, grâce à un réseau de

passionnés de combis, la production de ce type de pare-brise n'existant plus.


La journée du lendemain est un day-off : les vélos sont au repos mais ce ne sera pas farniente pour nous. Il s'agit d'une excursion dans la vallée Exploradores pour randonner sur le glacier du même nom. Départ à 8h00 en camionnette pour une cinquantaine de kilomètres environ avant le départ du trek. Au bout de 20 kilomètres, deux panneaux sont postés sur la route, sur lesquels on peut lire : Camino Cortado (route coupée). Effectivement, la piste termine sa course dans un lac dont la formation a eu lieu il y a des milliers de... secondes, deux mois pour être précis ! A l'origine, il n'y avait qu'un cours d'eau mais un important glissement de terrain en aval a formé un barrage. Le passage vers l'autre rive s'effectue en bateau. Le paysage est vraiment singulier avec des arbres pas encore morts aux couleurs automnales perçant les eaux du lac.

On avale les derniers kilomètres puis la randonnée débute par une heure et demie de forêts, pierriers et moraines. A l'approche du glacier, il est l'heure d'enfiler guêtres et crampons pour deux de marches et d'exploration de cavernes avec notre guide Marco (qui pratique aussi le voyage au long cours en vélo) ! Depuis le 19eme siècle, la taille du glacier Exploradores diminue, ces dernières années en été, il perd 10 cm d'épaisseur par jour et 1 cm en hiver ! Quand le soleil pointe son nez, il fait ressortir les belles teintes bleutées de la glace ! La randonnée est magnifique et facilement accessible (le glacier culmine à 300 m d'altitude seulement).

Ce n'est pas encore l'heure du bilan mais comme certaines personnes étaient demandeuses de petits détails du quotidien, voici à la volée une liste des petits trucs qu'on apprécie :

  • encore aucune morsure de chiens,
  • trouver un poêle chaud après les étapes pluvieuses,
  • le pisco sour : cocktail élaboré à partir du pisco, eau-de-vie obtenue par distillation du raisin, comme le whisky et le cognac, mais sans prolongation du vieillissement en fûts de bois, dont les péruviens et les chiliens se disputent l'origine ! Marcelo possède même un cocktail pisco sour-jus de fruits, à son nom dans un bar de Coyhaique
  • les glaces argentines,
  • trouver dans chaque village une cerveceria (brasserie) avec des bières locales
  • des épiceries même dans les plus petits villages ouvertes jusqu'à 23h,
  • les coucous et encouragements de nos homologues à deux roues assistés de moteur
  • rencontrer en une centaine de kilomètres un volcan, des pâturages, un lac immense et un glacier,
  • les jours de repos et les heures passées à faire les articles,
  • les réductions au camping lorsqu'on est cycliste,
  • la gentillesse des locaux (Argentins et Chiliens),
  • une crevaison seulement,


Et ce qui nous plaît un peu moins :

  • les poubelles des toilettes qui débordent, car ici interdiction de le jeter le papier toilettes avec l'eau usée
  • l'eau froide même celle sortant du robinet rouge des douches
  • les virages en devers avec des gros cailloux, "Hugo je vais tomber !"
  • les taons Chiliens et leur piqûres,
  • la poussière sur la route en ripio, mais c'est toujours mieux que la pollution et ça fait une protection en plus contre le soleil,
  • les heures à attendre le chargement des photos sur le blog à cause du Wifi trèèès lent ça fait 7h que le PC est allumé !
  • l'ouverture des conserves au couteau suisse pour Anaïs,
  • l'usure très prématurée des brosses à dents de Hugo (5 en deux mois), alors qu'il est bien nourri !
  • une crevaison quand même !


Plus de photos dans l'album associé!

Joyeux Noël et bonnes fêtes à tous!

Des bisous!